C’est un témoin de notre histoire récente et terriblement moderne.
Face à ce patrimoine militaire volontairement monumental, il est nécessaire de le resituer dans son contexte historique.
Après le désastre de la Bataille de France (10 mai – 22 juin1940) en Juillet 1940 arrivaient en Bretagne les divisions de la Wehrmacht qui relevaient les troupes d’invasion.
Les Allemands réquisitionnaient tous les lieux dont ils avaient besoin.
Les rigueurs de l’occupation, les interdictions, ausweis, tickets de rationnement, pillage des ressources, marché noir, délation et le triste sort de nos prisonniers puis les bombardements étaient la réalité de nos anciens.
La Kriegsmarine s’installait à Lorient pour transformer le port en base pour sous-marins.
Décembre 1940 l’organisation Todt était au Pouldu avec un état-major pour coordonner les travaux du secteur de Lorient. Le Pouldu, devenait un dortoir pour des centaines d’ouvriers.
Le « blockhaus » du Pouldu est un vestige du Mur de l’Atlantique.
Le mur de l’Atlantique était le système de fortifications côtières, construit par le Troisième Reich de la Norvège à l’Espagne, il devait empêcher un débarquement Allié depuis la Grande-Bretagne, près de près de 12 000 ouvrages bétonnés furent construits.
En Bretagne où trois importantes bases de sous-marins étaient implantées, on en comptait près de 2 800 (blockhaus et abris divers), près de 600 pour le secteur de Lorient. L’organisation Todt était chargée de fortifier le littoral avec l’aide des entreprises des pays occupés.
Fin 1943, le débarquement devenait une certitude. Dès lors s’engageait une course contre la montre pour l’occupant.
La résistance française prenait corps alimentée par les maquis rejoins par les réfractaires du STO.
Lorient était érigée au rang de forteresse et devaient pouvoir se défendre jusqu’à l’épuisement de ses moyens. Ce fut le cas. La reddition ne fut signée que le 10 mai 1945.
La côte de Kerfany au Pouldu fut intégrée à la zone de défense Ouest de Lorient avec 14 positions fortifiées : le nom militaire de cette zone « Anse du Pouldu ».
Le Pouldu.
En 1941 la station balnéaire apparaissait comme un débouché possible pour une action amphibie anglaise. Le Pouldu et recevait plusieurs bataillons en garnison. La troupe était logée dans les hôtels et maisons du voisinage, des baraquements étaient construits derrière les dunes.
En 1942, les allemands construisaient un point fortifié, il devait empêcher tout débarquement sur les plages du Pouldu et de Bellangenêt.
Sur la côte de Clohars-Carnoët la défense allemande se positionnait sur 5 sites. Doëlan, Porsac’h, Le Kérou, les Grands Sables et Fort Clohars.
Les allemands utilisaient un nombre considérable de travailleurs, essentiellement par le travail forcé, ou dans le cadre du STO.
Une partie de la population de Clohars était mobilisée sur les chantiers du Mur de l’Atlantique. Les habitants devaient se plier à des corvées : surveiller les lignes téléphoniques creuser des tranchées, planter des poteaux en bois, équipés de mines (asperges de Rommel).
Ils furent aussi requis pour la mise en place d’un faux terrain d’aviation dans la lande de Kersalut, éclairé la nuit : un leurre afin de tromper les navigateurs des bombardiers anglais.
Le bunker que je vous invite à visiter était intégré au point fortifié situé entre la plage de Bellangenêt et celle des Grands Sables. La position codifiée LO 12.
La position est détaillée à l’intérieur du blockhaus.
Le blockhaus des Grands Sables est un modèle R 625, bunker de type B (2 m de mur en béton armé, plafond blindé). 775 m3 de béton.
C’était une casemate conçue pour un canon de 75 mm Pak 40, avec une chambre de tir, un abri à munition, une pièce de vie et un poste de tir arrière. Garnison : 6 hommes. Probablement édifié fin1943.
Après le débarquement allié du 6 juin 1944, le rempart de l’Atlantique n’avait plus aucune utilité.
La percée américaine vers la Bretagne eut lieu le 1er août 1944.
Les 4 et 5 août à l’annonce de l’arrivée prochaine des blindés américains, la garnison allemande de Clohars et ses supplétifs russes, évacuaient vers Lorient en franchissant le pont de bois à Saint-Maurice. Le dernier convoi allemand venant de Concarneau passait le 6 août. Leur retraite étaient aiguillonnées par les embuscades des FTP de Michel Bonnaire.
Jusqu’au 19 août Les Allemands, ne voyant personne occuper leurs anciennes positions, traversaient la Laïta et revenaient au Pouldu ou à Porsmoric à plusieurs reprises pour continuer l’évacuation du matériel et effectuer des patrouilles.
Le 7 août 1944 la 4e Division Blindée américaines était stoppée devant la forteresse de Lorient, un encerclement fut décidé.
Le 10 août, le cercle se refermait. Les Bataillons FFI aidés par l’artillerie américaine encerclaient la Poche de Lorient.
Le 12 août, des unités américaines arrivaient à Clohars et positionnaient des canons au Pouldu pour tirer vers Lorient. Dès ils prenaient définitivement position à Clohars s’emparant des batteries côtières du Pouldu.
A partir du 20 leur présence était renforcée. Le front était désormais fixé pour plusieurs mois.
Le 13 août, le P.C. des FFI s’installait à Clohars.
La ligne de front se tenait en retrait de la rivière, à l’abri des tirs directs allemands.
Dans un premier temps, ils n’étaient qu’un millier de F.F.I. en ligne sur les 12 km du front de la Laïta. Après la libération de Brest et de Concarneau le front français s’étoffait.
Les bunkers du Pouldu étaient alors utilisés par le Bataillon de marche du Finistère (unité de fusiliers marins), il faisait face aux défense allemande de Guidel et de l’Ile de Groix.
Ces hommes postés à fort Clohars et aux Grands Sables devaient bloquer tout mouvement ennemis.
Le 31 octobre, cette zone de guerre devint le Sous-secteur du Finistère des Forces Françaises du Morbihan.
Fin 1944 les FFI sont intégrés à la 19e division d’infanterie française, 3 267 soldats bretons sont en ligne sur ce front.
Après-guerre, une fois déminé les anciens bunkers allemands furent laissés à l’abandon. Ils furent dépouillés de ce qu’il était possible de prendre. Les blindages récupérés par les ferrailleurs.
Au Pouldu cette casemate fut utilisée comme habitation, et fut le lieux d’un drame social. Elle fut comblée et murée en 1963.
La réhabilitation du site.
En 2017 Marcel Gozzi et moi-même avons écrit Clohars et la guerre de 39 45.
Février 2018. Le conseil des sages de Clohars-Carnoët envisageait une réhabilitation de ce blockhaus. Le bunker était empli de débris divers et orné de multiples tags. Le responsable des services techniques faisait part de son expertise en matière de travaux : c’était possible.
La municipalité soutenait le projet. Il fallait créer une association. Le jeudi 3 mai 2018, à l’initiative de Marcel Gozzi nous fondions l’association Mémoire et patrimoine de Clohars-Carnoët.
Dans la mesure où le blockhaus (patrimoine maritime culturel) fait partie du domaine public et que celui-ci est inaliénable (aucun droit de propriété privée possible), l’association devait passer une convention avec la mairie. (Chose faite)
Le projet fut présenté à l’architecte des bâtiments de France, après son accord les travaux ont démarré.
Les travaux ont commencé à l’automne 2018 et le site était sécurisé au printemps 2019. Un travail d’exception réalisé par les services techniques municipaux.
Le gros œuvre achevé, les membres de l’association ont pu nettoyer l’intérieur, et concevoir un ensemble de panneaux informatifs à destination des visiteurs mais la Covid19 nous empêchait d’ouvrir.
Marcel Gozzi nous quitta le 7 Juillet 2020 après une maladie fulgurante.
Ce décès nous rend orphelin de ce grand Monsieur, qui était pour nous essentiel à la vie de cette association. Très choqué par cette perte nous reprenions au mois de septembre, à sa mémoire, le travail entamé sur le site du Pouldu.
Progressivement avec le soutien de la municipalité la muséographie du site s’étoffe. On nous fait don et nous nous acquérons des mannequins, tenues, équipements et armes afin de présenter une reconstitution à visée pédagogique de l’histoire de ce monument.
Mai et juin 2021 : sortie du confinement les visites du public ont pu commencer.
Gil Van Meeuwen.